Premières descriptions
Les premières traces attestées du Berger Allemand remontent au 7ème siècle. Dans le code de lois germaniques la valeur d'un chien de berger était estimée à 1 solidus or, et à 3 solidi or pour un chien de berger qui pouvait tuer un loup.
Au 16ème siècle, le naturaliste suisse Conrad Gessner décrit des chiens de berger qui devaient être blancs afin que les bergers ne les confondent pas avec les loups lorsqu’au crépuscule, ces derniers attaquaient les troupeaux.
Le Berger allemand, entre chien et loup
Certains auteurs affirment qu’au 10ème siècle des moines de la vallée de Munster auraient accouplé des chiens de berger avec des loups apprivoisés.
Une race nouvelle serait apparue et la sélection en aurait fixé peu à peu les caractéristiques. Mais tout porte à croire qu’il ne s’agissait pas de loups mais de chiens de berger locaux.
En 1901 Richard Strebel auteur de publications cynologiques affirme avoir vu Phylax von Eulau I provoquer la fureur d'une meute de barzoïs, connus pour leurs talents de chasseur de loups, lors d'une exposition canine à Dresde. Il sème alors le doute sur un possible croisement entre loups et bergers allemands, mais cette réaction n’était certainement due qu’à leur ressemblance.
De même en 1936 le capitaine et cynophile inconditionnel Will Judy, dans son Encyclopédie du Chien, rapporte qu’en 1887 Christian Burger de Leonberg croisait des loups avec ses chiens de berger pour en améliorer les performances physiques, mais il s’agissait d’une expérience isolée, sans influence sur la sélection entreprise ultérieurement. Cette ressemblance du Berger allemand avec le loup ne provient donc pas de croisements récents entre ces deux animaux.
Au 20ème siècle, il était largement admis que le chien (Canis familiaris) descendait des loups et en particulier du loup gris (Canis lupus). Cependant de récentes études japonaises suggèrent que les races de chiens d'aujourd'hui n'ont peut-être pas évolué à partir du loup gris, mais que les chiens et les loups gris partagent un ancêtre commun d'une espèce de loup aujourd'hui disparue, qui existait il y a des milliers d'années. Les conclusions suggèrent que Canis lupus hodophilax est le parent le plus proche des premiers chiens d’Asie de l’Est, et peut-être même de tous les chiens.
Chiens de berger au 19ème siècle.
Premières tentatives d’uniformisation des races bergères allemandes
Dans l’Allemagne du 19ème siècle, aucune race homogène de chien de berger ne se profile de manière précise. On trouve alors plusieurs types régionaux: les bergers de Wurtemberg, de Thuringe, de Souabe, de Bavière ou de la Hesse.
Dans les années 1870, la crise rurale liée à la révolution industrielle entraîne la baisse du nombre de chiens de berger, mais engendre cependant un regard différent sur ces animaux précieux. La disparition progressive des traditions de la campagne crée en effet une mode culturelle de découverte des valeurs rurales qui transforme le chien de berger en chien de compagnie en ville.
D’autre part depuis 1871, l’Allemagne, sous la houlette prussienne de Bismarck, vit à l’heure centralisatrice. Contrairement aux Français qui essayent de sélectionner différents types régionaux de chiens de berger, les Allemands préfèrent créer une race nationale, symbole de la rigueur et de la qualité allemande.
Dès 1877, certains éleveurs font une première sélection à partir de deux types, le Berger de Thuringe, au poil court et gris, avec une ossature moyenne, aux oreilles droites, et dont la rapidité et la vigilance en faisaient un remarquable conducteur de troupeaux, et le Berger de Wurtemberg, grand et solide, au poil sombre et épais, à la tête forte, dont le travail consistait à protéger les troupeaux en montagne. Les produits de ces premières expériences en matière d’élevage sont extrêmement hétérogènes, cependant le succès commercial de ces animaux est notable.
Chien de type Berger de Thuringe vers 1900.
Dès 1878, des éleveurs allemands tentent de se regrouper pour créer un type particulier, et dans son chenil prussien "César et Minka" situé à Zakna, Otto Friedrich élève des chiens de berger qu’il vend dans toute l’Europe, ce qui permit sans doute d’infuser un sang neuf pour la formation de races locales dans les pays frontaliers comme la Belgique.
Le 16 décembre 1891, un groupe de passionnés, dont le capitaine Riechelmann et le comte Von Hahn, fondent le premier club d'éleveurs de bergers allemands, la Phylax Society (du grec "gardien" ou "protecteur"), dans l'objectif de standardiser les chiens de berger locaux.
Possédant déjà des sujets de taille moyenne, à oreilles droites et à queue portée basse, leur préoccupation s’oriente désormais surtout sur l’esthétique, mais des dissensions naissent. Certains membres estimaient que l'apparence physique du chien importait peu tant qu'il pouvait accomplir les tâches qui lui étaient assignées avec agilité et endurance. D'autres considéraient que l'apparence physique était plus important, que la beauté ou qu'un minimum de cohérence du type prévalait sur la capacité du chien. Enfin, certains pensaient qu'il était possible d'avoir à la fois la beauté et les aptitudes physiques, affirmant qu'ils ne se contenteraient pas d'autre chose. Incapables de se mettre d'accord, le club est dissous en 1894.
Cependant, le rêve d'une race très particulière de berger n'est pas mort avec la Phylax Society. Quelques-uns des membres n'ont jamais perdu de vue leur objectif, et un homme en particulier était bien décidé à prendre en main la suite de l'aventure du Berger Allemand.
Fondation de la race par le capitaine Max von Stephanitz
Le Capitaine Max Emil Friedrich von Stephanitz, né à Dresde en 1864, va alors devenir le véritable père du Berger Allemand grâce à une rigueur dans la sélection qui ne s’est jamais départie durant ses 36 années de conduite de la race.
Le 3 avril 1899 il assiste avec son ami Arthur Meyer à une exposition à Francfort. Il a alors le coup de foudre pour un jeune chien de troupeau gris et jaune de souche Thuringe, Hector Von Linkshrein, qu’il achète pour 200 marks, une somme conséquente pour l'époque. Rebaptisé Horand Von Grafrath, du nom de sa ferme en Bavière, il deviendra le premier chien inscrit dans le livre des origines du Berger allemand, le Zuchtbuch für deutsche Schäferhunde appelé en abrégé SZ.
Von Stephanitz le décrira ainsi: "Horand incarnait le rêve le plus cher pour les amateurs de chiens de cette époque. Il était grand, de 60 à 62 cm de hauteur au garrot, avec une ossature puissante, une silhouette harmonieuse et une tête d'une expression noble. Sobre dans sa structure le chien tout entier dégageait une force motrice. Son caractère était à l'image de ses qualités extérieures, merveilleux dans sa fidélité envers son maître et la droiture d'un gentleman alliée à une formidable joie de vivre. Bien que non éduqué dans sa jeunesse, obéissant pourtant au moindre signe de tête de son maître. Mais livré à lui-même, il devenait le plus fou des coquins, le plus sauvage des braconniers et un incorrigible batailleur. Jamais inactif, toujours plein d'allant, bien disposé envers les étrangers amicaux mais jamais soumis, joyeux avec les enfants et perpétuellement amoureux. Ses défauts venaient de son éducation, et pas de sa lignée. Il souffrait d'un surplus d'énergie non canalisé, car il était au paradis dès que quelqu'un s'occupait de lui, et il était alors le plus docile des chiens."
Il sera utilisé comme principal étalon, et tous ses descendants sont les ancêtres des bergers allemands d'aujourd'hui. Il produira 53 portées avec 35 femelles différentes, dont 149 descendants ont été enregistrés. Un nombre de chiots qui peut paraître limité mais à cette époque la maladie de Carré dévastait de nombreuses portées, entraînant un faible taux de survie. De plus, de nombreux descendants n'ont jamais été enregistrés. Horand a été accouplé trois fois avec ses propres filles et avec des femelles descendant de Polux, son grand-père. Une pratique qui était alors courante au commencement de l'élevage ou le degré de consanguinité était très élevé pour fixer les caractéristiques souhaitées, et par conséquent, les transmettre aux générations suivantes.
Sa progéniture la plus célèbre sera Hektor von Schwaben (SZ 13), né en 1898 qui engendra 141 descendants de 39 chiennes. On dit que sa mère, Mores von Plieningen (SZ 159), avait un arrière-grand-père croisé avec un loup, mais Von Stephanitz démenti cette rumeur.
Von Stephanitz accordera une grande importance à dissocier le berger allemand du loup. Dans son ouvrage rédigé en 1923, il écrit plus d'une centaine de page sur l'origine du chien, affirmant que sa lignée provient d'un chien préhistorique (Canis poutiatini) dont des ossements furent retrouvés à Moscou, et détaille les différences entre lui et le loup. S'il pouvait être démontré que les deux animaux étaient de lignée différente, alors l'affirmation selon laquelle le chien descendait directement du loup, qui serait une menace sérieuse pour l'élevage, pouvait être combattue. Dans l'imaginaire collectif de l'époque, le loup était un animal dangereux et imprévisible, pouvant attaquer les hommes de manière inattendue. Si le berger allemand avait du sang de loup, alors il pouvait lui aussi être dangereux, il était donc nécessaire pour Von Stephanitz de prouver qu'il en était exempt.
Horand von Grafrath (SZ 1), le premier berger allemand inscrit au livre des origines.
Max von Stephanitz veut imposer un type de berger national. Le 22 avril 1899, un architecte, Hans Abesser, 3 éleveurs de moutons, Friedrich Arnoldt, Friedrich Goymann et Otto Weber, un maire, Philipp Barth, 2 hôteliers Anton Eiselen et Karl Schlenker, 2 industriels Max Feer et Charles Kammerer, un magistrat Arnold Oehler, et les deux initiateurs du projet Max Von Stephanitz et Arthur Meyer créent le Club du Berger Allemand à Stuttgart, le Verein für deutsche Schäferhunde, appelé en abrégé SV. Max Von Stephanitz en assurera la présidence. Le SV passe rapidement à 60 membres et le premier championnat est organisé la même année. Le premier titre de Sieger (Champion) est décerné à Jörg von der Krone (SZ 163) et le premier titre de Siegerin (Championne) est décerné à Lisie von Schwenningen (SZ 30).
Lisie von Schwenningen (SZ 30)
Le 20 septembre 1899 la première assemblée générale du SV a lieu à Francfort-sur-le-Main, et le premier standard de la race est publié afin de fixer les règlements et les critères de jugement. Von Stephanitz insiste pour que tous les chiens travaillant sur troupeau soient admis d’office, et préfigure alors la ligne de conduite qu'il souhaite indéfectible, qui veut qu’un berger allemand soit avant tout un chien de travail. Il écrit: « Est Berger allemand tout chien de berger qui vit en Allemagne et qui, grâce à un exercice constant de ses qualités de chien de berger, atteint la perfection de son corps et de son psychisme, perfection appréciée uniquement sous l’angle de l’utilité. ».
Selon lui, l'éleveur idéal de bergers allemands ne possède que quelques chiens reproducteurs afin de garder un contact rapproché avec chacun d'eux, et de pouvoir choisir avec soin ceux qui amélioreraient la race: « Le chien de berger doit être considéré comme une personne. L'éleveur doit pouvoir s'occuper de lui, surtout quand le chien est encore jeune, et cela n'est possible qu'avec très peu de chiens. L'élevage en nombre n'est qu'un fléau pour l'éleveur, car cela le conduit sur le mauvais chemin et le prive de toute réelle joie dans son élevage. » La place du chien au sein de la famille est capitale: « Toutes les merveilleuses qualités que possède un bon chien de berger ne se révéleront que lorsqu'il restera très longtemps dans les mêmes mains, de préférence dès son plus jeune âge où, ayant pris place dans la maison, il partage les joies et les peines de la famille. Il se verra complètement anéanti de corps et d'esprit partout où il ne sera traité que comme une marchandise. »
Dans le même ordre d'idées, Max von Stephanitz ne croyait pas au maintien régulier des chiens dans des chenils, soulignant que cela n'engendrerait pas des chiens agissant aux meilleures de leurs capacités: « Chaque fois que le chien est gardé dans un chenil fermé, non seulement il déclinera physiquement, mais également psychiquement. ».
Il mesurait l'importance de l'éducation du chiot dès le plus jeune âge: « Son éducation doit être prise en main par son propriétaire. Si cette éducation est négligée ou commencée trop tard, il n'est pas rare que le jeune animal soit déjà rendu à moitié sauvage par négligence ou dévasté par une vie en chenil. D'un autre côté, un dressage trop sévère et sans amour causera au chien en croissance un désarroi psychologique, et ses facultés ne se développeront pas, car sa confiance en son maitre, qui est essentielle, fera défaut. »
« Un éducateur avec un tempérament nerveux et impatient n'obtiendra jamais de bons résultats. Pour obtenir de bons résultats, l'éducateur doit donner des ordres clairs et nets, travailler avec constance et avec une compréhension affectueuse de l'animal et de sa nature; et enfin, il doit avoir de l'expérience. L'expérience ne s'acquiert pas à la table d'étude, ni dans un livre; cela ne peut venir qu'avec la pratique et le recours constant à des chiens de tout âge et à tous les stades de développement. Le chien obéit volontairement et en toute confiance à l'éducateur calme et lucide. La vraie joie de travailler est à la base de la réussite. Si le chien fait une erreur, ne comprend pas un exercice ou échoue à l'obéissance, l'éducateur doit se remettre en question et se demander "Où me suis-je trompé ?" »
Von Stephanitz n'accordait pas d'importance à la couleur, en 1908 il écrit : « Nos bergers allemands n'ont jamais été élevés en vue d'une couleur particulière, ce qui pour un chien de travail est une considération tout à fait secondaire. Les allégations d'une couleur spécifique du berger allemand - y compris le blanc - qui serait meilleure qu'une autre est un pur non-sens. ». Il ajoute que la couleur ne devrait pas être définie dans la norme, mais rester un choix des éleveurs. Les couleurs des premiers bergers allemands allaient du noir au gris loup dans toutes ses nuances de couleurs et au blanc uni. Greif von Sparwasser, le grand-père maternel d'Horand von Grafath, était un chien de troupeau à robe blanche. Néanmoins dans son ouvrage von Stephanitz se dit partisan d'une coloration bien prononcée améliorant l'impression générale faite par le chien.
Max Von Stephanitz poussera les propriétaires et éleveurs à utiliser cette race en multipliant les concours de chiens de troupeau. Les résultats exceptionnels au dressage des chiens de berger belges dans les services de sécurité en Belgique incitent l'administration de la police allemande à organiser des essais similaires. Le SV se met alors à la disposition de l'administration avec son expérience, ses moyens et ses chiens et publie, en novembre 1901, une brochure recommandant le chien pour la défense et le pistage et la fit circuler dans tous les bureaux de police en Allemagne, mettant l'accent sur l'intelligence, la force, la capacité d'entraînement et la ténacité du chien. Les premiers concours de chiens de défense sont alors organisés en 1903 et se composent en trois parties, obéissance, défense et recherche.
L'évolution de chien de berger à chien de police est perçue comme un développement naturel et bénéfique, il écrit: « Nous ne garderons notre race de chien robuste et en bonne santé, que vous soyez éleveur amateur ou simple propriétaire, que si nous leur permettons de travailler. Le SV a imposé cette règle : élever un chien de berger, c'est l'élever pour le travail. Afin de rendre possible cette condition fondamentale aux amis du chien, notamment pour les habitants des villes incapables de faire travailler leurs chiens en troupeaux, le SV a trouvé d'autres façons pour le bénéfice du chien par le biais de travaux militaires et publiques. Après tout, le chien de berger, grâce à son évolution, est particulièrement adapté à ce service, au profit du chien et au profit de la communauté. ».
En octobre 1909, le SV offre une récompense de 25 marks aux maîtres-chiens pour chaque cas d'homicide résolu avec succès par un chien de berger allemand. Sur une période de 18 mois, le SV aura payé cette somme 18 fois !
• Historique des chiens dans la Police Nationale et la Gendarmerie
Jugement des bergers allemands à l'exposition de Berlin organisée par le SV le 20 avril 1905.
Le succès de la race ne se dément pas, le SV compte alors 6000 membres en 1912. Le berger allemand gagne rapidement en popularité en Europe, au Royaume-Uni et aux États-Unis où vont émerger des clubs de race. C'est enfin à la France de découvrir le Berger allemand et le CFCBA, Club français du Chien de Berger Allemand, est créé vers 1910 après les premières exportations de la race. 4132 chiens arriveront en France au cours du premier semestre 1912. En 1913, Georges Barais, un industriel du textile, créé le club du berger d’Alsace qui deviendra en 1920 la SCBA Société du Chien de Berger d’Alsace, puis en 1922 la Société du Chien de Berger Allemand.
La première guerre mondiale va mettre à rude épreuve de nombreux bergers allemands qui démontreront la valeur exceptionnelle du chien en temps de guerre, et bâtiront la légende de la race au prix de leurs vies.
• Le Berger Allemand chien de guerre
Naissance du Berger allemand moderne
Après la guerre, le Berger allemand, qui a fait preuve de ses innombrables qualités est très demandé. En 1919, 20 ans après la création du club de race, 150000 bergers allemands sont inscrits au livre des origines. Les éleveurs le produisent en nombre pour satisfaire aussi bien leurs concitoyens que les pays étrangers de plus en plus passionnés par la race. Il s'en suit un éloignement du type, avec des chiens de plus en plus grands, hauts sur pattes et parfois au caractère douteux.
Pour prévenir ces excès est créé en 1922 le Körbuch, Livre de sélection qui complète le Livre des origines, afin de préserver les qualités de caractère à l'origine du succès de la race. Seuls les sujets aptes à la reproduction y étaient enregistrés après examen par un juge. Le SV compte alors plus de 40.000 membres, un nombre exceptionnel pour l'époque.
Pour le 25ème anniversaire du Club du Berger Allemand à Hanovre en 1924, 4 des 12 membres fondateurs sont présents.
De gauche à droite: Friedrich Arnoldt, Max von Stephanitz, Friedrich Goymann, Otto Weber.
Max von Stephanitz est particulièrement vigilant concernant le choix des reproducteurs. Avec une tendance croissante aux spécimens surdimensionnés, il estime que la race prend un mauvais tournant. Ainsi au championnat de 1925, il donne le titre à un chien différent de la norme jusque-là appréciée, Klodo Vom Boxberg. Klodo est un chien gris et feu de taille moyenne, mais puissant et équilibré. Il impressionne par sa structure anatomique lui conférant une démarche gracieuse et élégante, et marque le début d'une ère nouvelle, qui voit apparaître des chiens beaucoup moins rustiques et dotés d'une harmonie physique moderne. Son impact sur la race du berger allemand est toujours manifeste de nos jours. Klodo vom Boxberg était déjà connu pour avoir été sacré champion Tchécoslovaque en 1923.
Cette même année le berger allemand devient la race la plus populaire aux États-Unis, en partie grâce aux exploits héroïques de la star de cinéma Rintintin.
Klodo Vom Boxberg (SZ 135239). Klodo sera importé aux États-Unis et deviendra
l'un des chiens fondateurs des lignées nord-américaines d'aujourd'hui.
Dans les années 30, plusieurs membres éminents du parti nazi s'impliquent activement dans le club du berger allemand, jusqu'à en prendre le contrôle. Ils prônent alors le désir de produire des chiens pour leur apparence physique et non pour leurs capacités, une philosophie à l'antithèse de tout ce que pour quoi Max von Stephanitz avait travaillé. Le service de propagande s'empare du courage et de la fidélité légendaire du berger allemand pour en faire l'un des symboles du national-socialisme, et Blondi la chienne d'Adolf Hitler fait son apparition sur les photos officielles du dictateur. Il n'hésitera pas à la sacrifier la veille de son suicide.
Des bergers allemands blancs continuent à naître dans certaines portées. Ils portent en eux un gène récessif qui masque les pigments foncés et produit un pelage blanc. Les nazis affirment à tort qu'ils sont sujets à des problèmes de santé comme la surdité, la cécité et l'instabilité mentale. Des tares qui affecteraient la pureté de la race et déformeraient la couleur des bergers allemands. Devenue indésirable, la couleur blanche sera définitivement écartée du standard en 1933. Interdits d'élevage et d'exposition, les chiots blancs seront euthanasiés à la naissance.
Ces préjugés infondés contre le berger allemand blanc ne seront pas exclusifs à l'Allemagne nazie et de nombreux éleveurs du monde entier considéreront le pelage blanc comme un défaut génétique. Cependant certains éleveurs continueront à produire des bergers allemands blancs notamment aux États-Unis et au Canada.
Les nazis prennent le contrôle des élevages canins et des fonctionnaires sans compétences particulières nommés par Hitler effectuent des inspections de chenils privés, certains sont entièrement saisis. Pressés d'évaluer les chiens, leurs décisions étaient souvent impulsives. Les chiens qui ne correspondaient pas aux idéaux nazis du moment étaient abattus sur place.
Max von Stephanitz résista au projet du gouvernement national-socialiste de fusionner le SV en une organisation faîtière d'animaux domestiques comprenant des éleveurs de volailles et de lapins.
Menacé pour ne pas vouloir se plier aux diktats des nazis, Max von Stephanitz finit par démissionner en 1935 du club qu'il avait créé 36 ans plus tôt. Il s’éteint l'année suivante à l'âge de 71 ans quelques jours après la mort d'Egga son chien préféré, laissant derrière lui un ouvrage de 776 pages consacré au Berger allemand, "Der deutsche Schäferhund in Wort und Bild" (Le Berger Allemand en mots et en images). Il écrira: « Faites un effort pour moi : assurez-vous que mon chien de berger reste un chien de travail, car j'ai lutté toute ma vie pour atteindre cet objectif. ».
Le Dr.Kurt Roesebeck, membre du SV depuis 1904, en prend la direction à la demande de von Stephanitz lui-même. À l'origine de plusieurs traités et articles scientifiques sur le berger allemand, il jouissait d'une grande renommée et d'une grande notoriété dans son pays et à l'étranger et avait longtemps travaillé aux côtés de von Stephanitz.
En 1930 au Morris & Essex dog show organisé sur le domaine de Geraldine Rockefeller Dodge,
Von Stephanitz est invité à juger les chiens. Sa présence attirera une foule d'amateurs de la race.
Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en 1939 va produire un ralentissement considérable dans l'élevage de la race. De nombreux propriétaires se retrouvent à servir dans l'armée allemande qui réquisitionne les meilleurs chiens disponibles, réduisant le cheptel reproducteur. Dans les dernières phases de la guerre en Allemagne, beaucoup de reproducteurs de valeur sont perdus, morts inutilement dans les dernières semaines et derniers jours de la guerre lors de la déroute des forces allemandes.
En avril 1946 Caspar Katzmair membre du SV depuis 1936 accède à la présidence du SV après la démission de Roesebeck. Les autorités américaines lui demandent de réorganiser toutes les activités du SV. Il nomme un président pour chacune des quatre puissances alliées occupant l'Allemagne, chacun travaillera sous sa supervision afin de rebâtir la race. Les expositions, suspendues depuis 1943, reprennent dès la même année.
Malgré les difficultés rencontrées pour élever des chiens dans l'après-guerre, la popularité de la race s'accroît rapidement en Allemagne et les inscriptions de bergers allemands au SZ passent de 3000 en 1945 à 51000 en 1949. Durant cette même période peu de chiens seront exportés, l'Allemagne étant occupée à reconstruire son propre cheptel.
La séparation de l'Allemagne en deux avec la création de la RDA et de la RFA en 1949 va donner naissance aux lignées de l'ex-Allemagne de l'Est dites DDR (Deutsches Demokratische Republik). Le gouvernement est-allemand contrôle alors le programme d'élevage du berger allemand qu'il considère comme un chien militaire et des directives d'élevage extrêmement rigides sont mises en pratique. Le but est d'en faire un chien endurant, robuste, puissant, capable de résister à des conditions et des exigences physiques extrêmes et peu sujet aux maladies.
Suite à l'adoption de cette politique de sélection rigoureuse par les éleveurs de l'Allemagne de l'Est, près de 93% des bergers est-allemands seront exempts de dysplasie de la hanche en 1987. Il s'agissait alors d'une avancée considérable dans la santé de la race, et le programme d'élevage de bergers allemands de l'Est au cours de cette période contraste fortement avec le SV de l'Allemagne de l'Ouest, dans lequel moins de la moitié des bergers allemands étaient exempts de dysplasie.
Le SZG Deutsche Schäferhunde enregistrera plus de 170000 chiens dans son livre des origines jusqu'à la réunification allemande en 1990.
Après la guerre et en raison du ressentiment anti allemand de l'époque, le Berger allemand provoque la méfiance et cesse d'intéresser les acheteurs étrangers, particulièrement les Anglais et les Américains. Ce n'est que dans les années cinquante que la race recommence à se développer.
Les successeurs de Von Stephanitz tirant les enseignements du passé, poursuivent son œuvre dans le même esprit. Il peut d’ailleurs être considéré que l’histoire moderne du Berger Allemand commence avec le Championnat d’Allemagne de 1951 et la consécration d’un sujet qui marque fortement l’évolution physique de la race: Rolf vom Osnabrücker Land, chien très typé se caractérisant par des innovations morphologiques, au niveau de la puissance, du cou notamment, et de l’épaule. Un pas dans l’évolution de la race est franchi.
Dans son rapport le juge Walter Trox le décrit ainsi: "Un mâle puissant et bien bâti, de taille moyenne, au corps allongé et bien dessiné, à la tête puissamment expressive. Lors de l'évaluation de sa démarche il a montré qu'il avait une bonne endurance. Il nous a été exposé au meilleur de sa forme. Un étalon de grande qualité, qui a déjà produit plusieurs descendants 'Excellent' et 'Très bon'."
En 1955 le Dr.Werner Funk, juge et éleveur respecté, prend la tête du SV dont il est membre depuis 1923. La même année en France, Marcel Olive succède à Georges Barais à la tête de la SCBA, et la première Exposition principale d'élevage a lieu en 1958 à Vichy où se réuniront l'élite de l'élevage français et tous les amateurs de la race (Elle deviendra Exposition nationale d'élevage à partir de 1987 et changera de lieu chaque année à partir de 1989).
Le 1er janvier 1961 fête le millionième berger allemand enregistré au SZ. En 1964, pour la première fois, le président du SV décerne le titre de vainqueur de l'exposition à un chien qu'il a lui-même élevé (Zibu vom Haus Schütting). À partir d'août 1966, un examen radiographique des hanches doit être effectué sur tous les bergers allemands enregistrés pour lutter contre la dysplasie de la hanche. Les chiens avec des hanches correctes obtiennent la note A. Un autre évènement important de cette décennie est la fondation à Augsbourg de l'Union européenne des clubs du chien de Berger Allemand (EUSV) le 16 mai 1968, réunissant 11 nations afin de renforcer la coopération internationale et assurer une homogénéité de la race.
Rolf Vom Osnabrücker Land 1951 (SZ 640721)
Sur les 2058 chiens sélectionnés en Allemagne en 1967, plus de la moitié étaient du même sang que Rolf.
Le Dr. Funk décède en 1971, une grande perte dans le monde du Berger Allemand, ayant apporté beaucoup à la race en tant qu'éleveur, juge et président du SV. Le Dr.Rummel lui succède, sa perspicacité et ses compétences lui permette de gérer l'immense association qu'est devenue le SV qui compte alors à la fin de la décennie plus de 80000 membres. Cette même année le SV impose le tatouage obligatoire pour tous les bergers allemands nés en Allemagne avant leurs inscriptions au livre des origines.
Le 9 septembre 1974, l'année du 75ème anniversaire du SV, l'Union mondiale des associations du chien de Berger Allemand (WUSV) voit le jour. Le SV jouera toujours un rôle prépondérant dans la direction que doit prendre l'avenir de la race. Rummel en formulera ainsi les objectifs: « Un standard de race unifié, l'harmonisation des points de vue et de l'évaluation de l'élevage et des aptitudes des bergers allemands, la clarification des questions en suspens relatives à l'élevage et à l'éducation, à l'entretien et à la lutte contre les maladies héréditaires. ».
Un second tournant a lieu dans les années soixante-dix, avec l’apparition de la silhouette au dos descendant, qui lui procure une allure plus rasante ainsi que, disait-on, plus d’aisance et d’endurance dans le trot. Cela est possible grâce à la participation de trois importants reproducteurs, très différents mais complémentaires: Quanto von der Wienerau, considéré comme le meilleur étalon de sa génération, Canto von der Wienerau et Mutz von der Pelztierfarm. Leurs descendances croisées fixent les caractéristiques morphologiques du Berger Allemand d'aujourd'hui.
Quanto von der Wienerau (SZ 1133695)
La fin des années soixante-dix est marquée par la seule descendance de ces trois grands étalons, et il faut attendre la moitié des années quatre-vingt pour avoir de nouveau une grande révolution: l'arrivée de deux fils de Palme vom Wildsteiger Land qui restera dans l'histoire du berger allemand comme l'une des femelles les plus influentes, Uran vom Wilsteiger Land et Quando von Arminius, qui domineront cette période et seront les seuls à l’origine de la race actuelle. Au même moment en France, Mabrouk la mascotte de l'émission 30 millions d'amis multiplie les exploits à la télévision et contribue à façonner l'image d'un chien vaillant, intelligent et proche de son maître auprès du public.
Palme vom Wildsteiger Land (SZ 1478659)
Quando von arminius (SZ 1547134)
En 1982 Hermann Martin devient président du SV. En 1988 le championnat d’Europe du chien de Berger Allemand est remplacé par le championnat du monde de la WUSV et devient un évènement majeur de la cynophilie mondiale. En un siècle, le berger allemand est devenu l'une des races de chiens les plus appréciées, non seulement en Europe et en Amérique du Nord, mais également en Amérique du Sud, en Australie et en Asie du Sud et de l'Est.
Peter Messler remplace H.Martin en 1994. En 1997 le SV inscrit le deux millionième berger allemand dans son livre généalogique.
Wolfgang Henke prend la tête du SV en 2002 suivi de Heinrich Meßle en 2015.
Le 1er janvier 2011, le standard de la race est modifié avec la reconnaissance du berger allemand à poil long par la FCI (Fédération cynologique internationale).
Le standard original de la race édité en 1899 a connu plusieurs révisions au fil des décennies visant principalement à le clarifier afin d'éradiquer des défauts spécifiques.
La différence majeure entre les chiens respectant le premier standard et ceux d'aujourd'hui est sans conteste la ligne supérieure du dos. Il existe aujourd'hui des lignées de berger allemand avec une angulation arrière légère à modérée (aussi bien en lignée de beauté qu'en lignée de travail) et des lignées avec une angulation arrière modérée à extrême.
Max Von Stephanitz était sans équivoque à ce sujet et ne considérait rien d'autre qu'un dos droit comme idéal. Cependant, au fil du temps, le standard de la race a évolué pour décrire un dos légèrement incliné, abandonnant toute référence à un dos horizontal. La ligne supérieure des bergers allemands de beauté d'aujourd'hui présente une courbe descendante continue du garrot à la croupe. Une évolution très critiquée par de nombreux amateurs de la race, la capacité de saut, d'endurance et d'agilité du berger allemand "moderne" ayant progressivement diminué. En revanche les bergers allemands de lignées de travail d'aujourd'hui restent assez cohérents dans leur forme et leur fonction par rapport à la vision originale de leur créateur.
Malgré cette séparation entre les deux lignées, l'héritage de la race créée par Max von Stephanitz perdure et le berger allemand reste l'une des races les plus populaires dans le monde entier.
• Galerie photos des Bergers Allemands Champions des expositions de 1899 à 2014
• Consulter le pedigree de votre berger allemand et ses ancêtres sur cinq générations
Bibliographie :
A.Dupont, P.de Wailly, "Le Berger Allemand".
G.Teich Alasia, "Encyclopédie du Berger Allemand".
F.Fiorone, "Le Berger Allemand".
J.Ortega, "Le Berger Allemand".
Emmanuelle Francq, "Les origines des races européennes de chiens de berger".
D.Grandjean, F.Haymann, "Encyclopédie du Berger Allemand".
Resi Gerritsen, Ruud Haak, "The German Shepherd Dog".
Max von Stephanitz, "Der deutsche Schäferhund in Wort und Bild".